Comment exposer les oeuvres numériques ?

En partageant un fichier rempli de .png, .obj et .exe ? En les affichant les unes à côté des autres sur une page web ? En rassemblant plusieurs ordinateurs au même endroit, une oeuvre sur chaque machine ?

Et pourquoi ne pas créer un musée virtuel, non pas un substitut des musée IRL mais un nouveau format d’exposition, adapté au numérique ?

052, 054, 055, 056, 057, 058 – Eric Lefaure (The Zium Gallery)

Dans The Zium Gallery, sorti en 2022, on découvre en vue à la première personne des tableaux, des animations 2D et 3D, des dioramas , des modèles de toutes tailles et de toutes textures, des oeuvres multimédias de pixels et de sons ou encore des architectures entières baignées dans des shaders exotiques.

Contrairement à l’ouverture d’un modèle dans Blender ou l’aperçu d’un gif animé sur Twitter, on incarne ici une entité physique : notre corps est soumis à la gravité, on visualise les oeuvres à une certaine échelle, on tourne autours des statues sans pouvoir les traverser et on suit un trajet en partie balisé. Autant d’éléments qui guident notre parcours et dirigent notre regards à travers les deux étages du musée.

Vagabond Sunspotter – Joost Eggermont (The Zium Gallery)

Plus d’une vingtaine d’artistes sont ici regroupés au sein de la Zium Gallery, mais c’est près d’une centaine qui sont exposés à travers les 3 musées virtuels créés part The Zium Society (The Zium Museum, 2017 et The Zium Garden, 2018). Les artistes sont regroupés par thématiques, ou ont parfois droit à leur propre espace.

Parmis eux, plusieurs invités ont eu carte blanche pour réaliser des oeuvres dans leurs styles respectifs. Du simple four à pizza modélisé par Cosmo D (Off-Peak), ironiquement présenté à la manière d’un décors original, celles-ci vont jusqu’à de véritables « installations » qui nous transportent en-dehors de l’espace du musée : citons le diorama de Studio Oleomingus aux airs de boîte à musique qui se détruit et se reconstruit à l’infini, ou encore le vibrant quartier nocturne réalisé par l’artiste Seth Redd.

Mais plus qu’un simple amas d’objets numérique, c’est tout un espace de mise en relation et de rencontre des oeuvres que nous proposent les trois musées : celles-ci se complètent, contrastent, rebondissent et dialoguent les unes avec les autres. Un véritable travail de logique interne et de scénographie, dont le résultat est habilement décrit par Michael Berto, fondateur de The Zium Society, comme « a 3D zine in which one could inhabit« .

a Widening Gyre – Studio Oleomingus (The Zium Garden)

Malgré le fait que The Zium Gallery soit un espace virtuel, celui-ci fait le curieux choix de reprendre les codes d’une exposition très traditionnelle : les tableaux sont accrochés aux murs et la plupart des objets 3D posés sur des présentoirs, de petits panonceaux rectangulaires sont placés en bas à droite de chaque oeuvre pour en indiquer le nom, la date et l’auteurice, et on retrouve même quelques bancs disséminés ça et là.

Pourquoi donc une mise en scène si conventionnelle, malgré les possibilités du médium ? C’est dans une interview pour itch.io que Michael Berto nous rappelle l’objectif premier du musée : éviter de distraire les spectateur·ices par un environnement trop fantasque, et centrer l’attention sur les oeuvres exposées. On pourrait peut-être y distinguer un autre aspect, plus revendicateur : reprendre les codes du musée traditionnel, c’est aussi se réapproprier ces espaces de monopole, s’octroyer le droit d’élever un modèle 3D au même status qu’une sculpture de pierre, et légitimer les arts numériques.

Snapmesh – Ryan Trawick (The Zium Garden)

Une seule envie en sortant de The Zium Gallery : y retourner avec un casque VR. Et ce pourrait bien être possible un jour ou l’autre, puisqu’une version VR du musée est actuellement en développement ✨

On pourrait également en espérer une version multi, qui permettrait de se connecter en ligne avec des connaissance ou des inconnus et ouvrirait la porte aux rencontres et aux débats. Un rôle déjà partiellement rempli par un serveur Discord dédié, qui rend l’ajout cette feature d’autant plus souhaitable.

Pour aller plus loin sur le sujet des musées numériques, laissez moi vous pointer vers les séries IMPRESSIONISTa, FAUVISTa et SURREALISTa de Gigoia Studios (Fine Art Games), les localhost galleries de l’artiste Drew Niconowicz, les travaux de Pippin Barr ainsi qu’une découverte récente, le Museum of Screens de Toulou dédié aux jeux web (ouvert tous les jours de 9h à 19h, à l’exception d’un jour choisi au hasard chaque année).

« The Zium Project is an endeavor to synthesize what makes art galleries so wonderful, and important, and I suppose what I’m trying to say is just what galleries and museums in the real world are trying to say: « Welcome, have a look around, you’re safe here, we made all this for ourselves, but we also made all this for all of you. Check it out, ain’t this whole creativity thing we humans do pretty cool? » – Michael Berto

https://theziumsociety.itch.io/the-zium-gallery