Dernière entrée dans la série des Ancient Greek Punishment*, Pippin Barr s’attaque cette fois au célèbre et indémodable Snake.

Reprenons :

  • L’espace de jeu est composé d’une grille.
  • Les joueureuses contrôlent les mouvements d’un serpent sur cette grille. Celui-ci possède une queue qui suit précisément son déplacement.
  • Après avoir changé de direction, le serpent continue son mouvement automatiquement dans le même sens.
  • Des bonus sont disséminés sur la grille. Manger un bonus augmente le score de 10 points.
  • Rentrer dans un bloc déclenche le game over.

A partir de ce simple ensemble de mécaniques, Barr réinvente les châtiment grecs sous une forme pixellisée. Chez Sisyphe, l’effort est provoqué par un challenge de dextérité exigeant le long d’un escalier de blocs, rendu ardu par le déplacement continu du serpent. Pour Prométhée, l’oiseau devient un simple bloc doué de locomotion. Chez Tantale, l’inaccessibilité de l’objectif prend la forme d’un bonus passé out-of-bounds, au-delà de l’infranchissable muraille de blocs. Quand aux Danaïdes, c’est cette fois le compteur de points qui devient le réceptacle de leur châtiment.

Les bonus sont l’objectif infiniment désirable. Les murs, l’éternel danger. Il n’a suffit à Barr qu’à mettre en scène ces deux principes dans des situations alternatives pour retranscrire, une nouvelle fois, la tension au cœur des 5 mythes emblématiques de la série. Celà en dit autant sur la nature de ces mythes que sur les mécaniques de Snake.

Pour les curieux-ses, Pippin Barr documente tout ses processus de réflexion dans un journal accessible pour chacun de ses projets. C’est une ressource passionnante et particulièrement précieuse, à consulter sans modération !

https://pippinbarr.com/lets-snake-ancient-greek-punishment

*Let’s Play: Ancient Greek Punishment s’appuie sur 5 mythes grecs de châtiments divins : Sisyphe, Prométhée, Tantale, les Danaïdes et une version modifiée du paradoxe de Zeno. De chaque mythe, Pippin Barr extrait l’essence et les adapte rigoureusement en mécaniques de jeux : Sisyphe, c’est un effort détruit au moment où l’on pense l’avoir accompli. Tantale, un but qui devient inaccessible à peine essaye-t-on de l’atteindre. Les Danaïdes, une progression immédiatement réduise à néant après chaque avancée…

Ce qui était au départ une simple réflexion autours d’objectifs de jeu inatteignable, la conception d’ « anti-jeux » qui transgressent l’habituel contrat entre joueureuse et designer, s’est décliné en une désormais longue série de variations. Du mode text-adventure au demake Bitsy, en passant par celle formée d’interface windows et les diverses déclinaisons du jeu d’échecs (un de mes favoris), toutes les versions posent la même question : quel « pas de côté » effectuer pour transformer radicalement l’expérience ?

Brillantes de créativitées, souvent incongrues et déroutantes, chaque adaptation devient un prétexte pour réfléchir au-delà du jeu.